Grasset - Novembre 2022
Lorsqu’au printemps 2006, René Girard et Benoît Chantre décidèrent d’écrire un livre sur Carl von Clausewitz (1780-1831), la perspective d’une catastrophe nucléaire s’était bien éloignée des esprits. La Guerre froide semblait révolue. Quant à la « vieille Europe », elle feignait de penser qu’elle avait exorcisé ses conflits séculaires. Lancé en octobre 2007, Achever Clausewitz fut très bien accueilli et traduit en de nombreuses langues : un succès que ne garantissait pas a priori la violence de son propos. Délibérément apocalyptiques, ces entretiens sur la destruction de l’Europe, l’échec du christianisme historique et le crépuscule de l’Occident s’achevaient sur un plaidoyer pour la relation franco-allemande et les figures qui l’incarnèrent. Or personne n’attendait sur le terrain géopolitique un auteur qu’on croyait plus préoccupé par les origines de l’humanité que par la fin de l’histoire occidentale.
L’intérêt que ce livre continue de susciter, quinze ans après sa parution, tant dans les cercles militaires et stratégiques qu’auprès des littéraires, des philosophes ou des anthropologues, est l’occasion d’en publier une version revue et augmentée. Mais le contexte a beaucoup changé. En 2007, c’était les actes suicidaires du djihad que Girard et Chantre interrogeaient en relisant De la guerre. L’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, en février 2022, tout en s’inscrivant dans la brèche ouverte par le 11-Septembre, laisse présager un conflit d’une ampleur inédite depuis 1945. Nous voici entrés dans une nouvelle ère de la violence où se profile, avec une part de hasard beaucoup plus grande que dans les années 1960 et 1970, la possibilité d’une « guerre absolue », plus encore que d’une « guerre totale ». Ces entretiens riches et denses n’ont donc malheureusement pas pris une ride.
René Girard (1923-2015) fut membre de l’Académie française et professeur émérite à l’université Stanford. Théoricien de la littérature et anthropologue, il est l’auteur de nombreux essais traduits dans le monde entier et publiés, pour la plupart, aux Éditions Grasset : Mensonge romantique et vérité romanesque (1961) ; La Violence et le sacré (1972) ; Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978) ; Le Bouc émissaire (1982) ; La Route antique des hommes pervers (1985) ; Je vois Satan tomber comme l’éclair (1999) ; Achever Clausewitz (2007).
Benoît Chantre est éditeur et président de l’Association Recherches Mimétiques, dont René Girard fut président d’honneur. Membre associé du Centre international d’études de la philosophie française contemporaine (CIEPFC-ENS Rue d’Ulm), il est l’auteur de plusieurs livres d’entretiens (Le Choix de Pascal avec Jacques Julliard, La Divine Comédie avec Philippe Sollers), de nombreux articles sur Bergson, Girard, Levinas ou Péguy. Il a publié chez Grasset : Les Derniers Jours de René Girard (2016) et Le Clocher de Tübingen. Œuvre-vie de Friedrich Hölderlin (2019).
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