PUF - Mars 2024
S’il existe un terme à rayer du vocabulaire, c’est bien celui d’intelligence » a dit un jour Changeux dans une interview au Figaro. L’auteur de L’Homme neuronal considérait-il que les objets mentaux sont à concevoir comme des assemblées de neurones ? Qu’il n’y a pas de barrière entre le neural et le mental ? Réductionniste, Changeux ? Il réduirait le psychisme à la neurobiologie ? Pourquoi pas, après tout ? Sauf que, comme lui répondait Zazzo, il ne faut pas confondre le produit et les modes de production. En ce qui concerne le produit, il faut déchirer l’étiquette pour découvrir tous les objets qu’elle recouvre, continuait Zazzo : l’intelligence globale ou mosaïque évaluée par l’échelle métrique de Binet, le facteur « général » (G) mis en évidence par Spearman, l’intelligence des situations décrite par Wallon, les structures d’adaptation sensorimotrices, opératoires, hypothético-déductives analysées par Piaget, la pensée divergente, et j’ajouterais la cognition sociale, la théorie de l’esprit, l’intelligence artificielle… Dans ce dédale, comment y voir clair ? Le facteur g est censé expliquer sur le plan psychologique ce qu’il y a d’universel à tous les fonctionnements psychologiques. À ce propos il est à remarquer que la plupart des objets mentaux identifiés relèvent de la logique, du raisonnement. Les tests des psychologues étant d’ordre logique, ils ont logiquement suscité des manifestations logiques. La formalisation de ces objets mentaux étant homogène à la logique des psychologues qui les ont cernés, il pourrait s’agir d’une objectivation de la logique par elle-même. Peut-être y a-t-il là une des clés à l’évidence que les tests d’intelligence, et en particulier le Wechsler dont Serge Larrivée, grand spécialiste du QI et coordinateur du numéro, nous démontre l’impartialité culturelle, ne sont pas réussis au même niveau quelle que soit la culture. Plus même, y a-t-il une autre intelligence, comme le propose Mottron en parlant des performances mentales dans l’autisme ? Ainsi que l’écrit mon ami Florian Forestier, philosophe et autiste, dans son ouvrage Mes Labyrinthes, « lorsqu’on applique les tests classiques aux autistes, plus de la moitié tombe dans la déficience intellectuelle. Lorsqu’on utilise des tests plus adaptés comme les Matrices de Raven, ce pourcentage tombe à 10-20 %… Quel sens donner alors à une intelligence qui ne s’exerce que dans certains contextes ? Des contextes qu’il faut parfois créer de toutes pièces ? » Qu’en dirait Serge Larrivée, ciblé sur les performances en facteur g, facteur supposé mesurer le construct d’intelligence ? Binet définissait l’intelligence comme ce que mesure son test. L’intelligence est-elle ce que mesure le facteur g ?
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