En examinant les discours les plus emblématiques produits par la philosophie moderne au sujet de la peine de mort, notre intention n’est nullement de « peser le pour et le contre » en vue de déterminer quelle position s’avère la plus raisonnable. Assumant d’emblée le point de vue abolitionniste, notre question est la suivante : dans quelle mesure est-il possible de fonder en raison le refus catégorique de la peine capitale ? À cet égard, le détour par l’histoire de la philosophie nous montre à quel point cette raison est avant tout divisée contre elle-même. En effet, au terme d’un travail visant à sonder la cohérence interne des partisans de la peine de mort (Locke, Kant, Stuart Mill) ainsi que de ses adversaires (Beccaria, Bentham), il nous est apparu impossible de conclure à un simple défaut de rationalité de la part des uns ou des autres. Ce que l’on constate au contraire, c’est que chaque démonstration se déploie à partir d’un certain nombre de principes éthiques indémontrables. Bien plus, chaque grande philosophie pénale est susceptible de donner lieu à des prises de position radicalement opposées. Mais pour peu que l’on se refuse à concevoir un abîme insurmontable entre la raison d’une part, et ce que d’aucuns nommèrent le « cœur » d’autre part, la philosophie morale peut bénéficier d’une approche dans laquelle le raisonnement et la sensibilité se complètent, au lieu de constituer une alternative. Paradoxalement, c’est dans l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau qu’il nous a semblé possible de repérer les éléments permettant de fonder au mieux l’abolition, tout en évitant le double écueil du rationalisme dogmatique et de l’émotivisme relativiste.
Benoît Basse est docteur en philosophie (Université Paris Ouest Nanterre La Défense) et enseignant à Paris.
acheter ce livre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire