L’oeuvre de Giordano Bruno pourrait-elle se comprendre dans son intégralité comme la plus vaste tentative philosophique de penser à partir des relations ? L’anti-aristotélisme de Bruno le pousse en effet à échapper, autant que possible et de manière exceptionnelle, à l’antériorité ontologique de la substance sur la relation via une véritable philosophie du lien, au point que tout étant, du plus infime au plus vaste, ne se comprenne que par ce qui le lie. Un de ses derniers écrits, le traité De vinculis, rédigé peu avant le long procès qui le mènera au bûcher, apparaît d’ailleurs comme une tentative unique d’aborder la réalité, de la manière la plus synthétique mais aussi la plus opératoire, à partir des liens qui la construisent et la font tenir. L’objet de ce volume est de traiter sur un mode transversal de cette idée de la relation et du lien dans l’oeuvre très diverse du philosophe de Nota : dans le domaine de la théologie, de la métaphysique, de l’éthique, de la magie naturelle, de l’anthropologie ou de la géographie, voire, dans un registre resté étrangement implicite mais auquel il était urgent d’offrir une place, de la politique. Seront ainsi abordés sans détour des questions massives, mais renouvelées de fond en comble par Giordano Bruno, comme la puissance, l’ontologie fonctionnelle ou le rapport entre Dieu et l’univers, mais aussi des enjeux plus spécifiques comme la coïncidence des contraires, le désir et l’amour, l’imagination et la fureur poétique, le lien civil, la pratique magique et l’art de la mémoire. Tous ces champs ou ces thèmes sont analysés dans ce volume par quelques-uns des meilleurs spécialistes de l’oeuvre du philosophe nolain en étant chaque fois renvoyés à l’idée générale d’une philosophie de la relation qui lui assure ainsi sa cohérence. II apparaîtra de la sorte que, pour Giordano Bruno, réfléchir le monde à partir des liens qui s’y développent, c’était aussi se donner l’occasion d’être attentif à la fois à ses variations ou sa diversité et à son unité ou sa consistance.
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