Dans les cavernes qui ont été ses premiers abris, l'homme dessine sur les parois les objets de son désir et de sa lutte pour la vie. Le concept surgit dans la vie d'êtres qui sont chasseurs et nomades. Sans doute peut-on montrer le plus clairement ce dont un concept est capable lorsque l'on songe à la fabrication d'un piège : il est en tous points conçu en fonction de l'aspect, des mesures, du comportement et de la démarche d'un objet qui est seulement espéré, qui n'est pas présent et qu'il faut d'abord amener à être capturé et appréhendé. Cet objet est à son tour lié à des besoins qui ne sont pas ceux du jour même, qui ont donc une dimension temporelle. Une théorie anthropologique du concept est un réquisit urgent, car elle seule permet de prendre en compte sur un mode fonctionnel aussi bien la performance d'un concept que son déficit face à des exigences qui ne procèdent pas d'une forme de vie nomade, mais présupposent le loisir du sédentarisme. Car l'état de choses étonnant est que, certes, le concept est un produit de la vie des chasseurs et des nomades, mais la théorie, qui semble le condensé de ce que permettent de réaliser les concepts, a pour condition la sédentarité urbaine et la division du travail.
Hans Blumenberg (1920-1996) est l'auteur d'une oeuvre immense, dont on commence à découvrir la part cachée avec la publication de nombreux inédits, tels que cette Théorie de l'inconceptualité ou concept en histoires, qui parait en même temps dans cette même collection.
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