Peut-on parler de « totalitarisme » quand il s’agit de nommer le pouvoir des multinationales tel qu’il s’est construit et imposé depuis le début du XXe siècle ?
Alors que la pratique politique moderne voudrait que les sujets d’une collectivité obéissent aux lois, non aux puissants, on assiste à un renversement pervers : ce sont les multinationales, aujourd’hui, qui soumettent la délibération des assemblées politiques à d’autres « lois », leurs lois, qu’elles s’assurent de rendre efficaces : la « loi » du marché, la « loi » de la concurrence, la « loi » universelle de l’offre et de la demande.
Ce livre étudie la façon dont les pétrolières, imitées en cela par des multinationales d’autres secteurs, se constituent telles des autorités souveraines de nature privée. L’entreprise Total est en la matière un cas d’école. Se présenter comme la « huitième des Sept Soeurs », en référence aux majors du pétrole, et se dire « total » pour bien marquer cette prétention, c’était, au milieu du XXe siècle, chercher à s’imposer à son tour dans un ordre où les sociétés multinationales se développaient indépendamment des États qui les avaient créées, à la manière d’un Frankenstein.
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