La victime est le héros de notre temps. Être victime donne du prestige, impose l’écoute, promet et promeut la reconnaissance, active un puissant générateur d’identité, de droit et d’estime de soi. Cela protège de toute critique, garantit l’innocence au-delà de tout doute raisonnable. Comment la victime pourrait-elle être coupable, ou même responsable de quelque chose ? Elle n’a rien fait, on lui a fait. Elle n’agit pas, elle subit. Au cœur de la victime s’articulent le manque et la revendication, la faiblesse et la prétention, le désir d’avoir et le désir d’être. Nous ne sommes pas ce que nous sommes, mais ce que nous avons subi, ce que nous pouvons perdre, ce que l’on nous a enlevé. Il est désormais temps de dépasser ce paradigme qui nous paralyse pour redessiner les contours d’une praxis et d’une action du sujet dans le monde, tourné vers l’avenir et non vers le passé.
Traduit de l'italien par Marine Aubry-Morici.
Daniele Giglioli enseigne la littérature comparée à l'université de Bergame. Parmi ses publications : Tema(2001), Il pedagogo e il libertino (2002), All’ordine del giorno è il terrore (2007), Senza trauma (2011), Critica della vittima (2014), Stato di minorità (2015). Il est collaborateur de Il Corriere della sera.
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