Ce titre ne renvoie pas au lieu commun d’une duplicité de la morale, pour la constater cyniquement ou la déplorer en s’en indignant. Il indique l’extrême complexité, non seulement « théorique » mais, justement, « morale », de tout questionnement moral. La morale elle-même exige en effet que soit prise en vue l’hétérogénéité foncière entre le registre du duel, de la relation à deux, éthique, érotique, amicale, et le registre de la multiplicité des rapports entre les hommes, intersubjectifs, politiques, juridiques. Les règles qui valent et prévalent dans la sphère du deux ne sauraient régir la sphère sociale, ni l’inverse, sous peine de désastre… moral! Les « expériences » qui s’éprouvent dans la dualité du face à face ne sont ni homologues ni semblables à celles qui s’engagent dans la diversité des rapports inter-humains, leur pratique et leurs échecs, la justice, l’amour, le pardon ou l’hospitalité par exemple, la violence et le terrorisme aussi. Cet ouvrage suit le chemin sinueux de l’exploration de cette différence, autour d’un dialogue interminable entre Kant et Nietzsche, où Levinas a secrètement sa part – puisque tous deux, ou tous trois, chacun à sa façon, ont déjà « tout » dit de la question.
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