Né de la première guerre mondiale, élaboré dans la seconde par des survivants de l'extermination, le témoignage littéraire des violences politiques de masse est aujourd'hui un genre international majeur. De la Russie à la Chine, en passant par le Rwanda, l'Amérique latine, l'Algérie et le Cambodge, le témoignage va au rebours des conceptions cyniques ou décoratives de l'art par son ambition éthique et son exigence de vérité. Il bouleverse les catégories de la philosophie du langage et de la critique littéraire : les faits deviennent inséparables des valeurs, la stylisation de la recherche de la vérité. Le témoignage littéraire dépasse la mission éducative du " devoir de mémoire " et contribue à faire évoluer la notion de littérature mondiale autour de valeurs fondamentales liées aux Droits de l'homme. Toutefois, de faux témoignages et des romans historiques complaisants occupent également le devant de la scène. En prenant notamment appui sur les oeuvres de Primo Levi, et celles d'auteurs qui estiment qu'après la mort des témoins, la fiction romanesque l'emporte sur l'histoire, François Rastier interroge la " déconstruction " de l'histoire et de la littérature.
François Rastier, linguiste, est directeur de recherche au CNRS. Son ouvrage sur la poésie de Primo Levi, Ulysse à Auschwitz (Les éditions du Cerf, 2005) a reçu le prix de la Fondation Auschwitz. Il a publié depuis plusieurs études sur la littérature de l'extermination et le genre du témoignage. Il est notamment l'auteur, aux Puf, d'Apprendre pour transmettre (2013) et Naufrage d'un prophète. Heidegger aujourd'hui (2015).
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