L'Harmattan - Août 2022
La haine de la pensée ou de la raison habite l'homme. Elle est une haine de soi comme sujet. C'est que la pensée demande à chacun d'avoir le courage de bousculer son narcissisme, c'est-à-dire de renoncer à la vaine espérance de la complétude. Aujourd'hui, cette haine de soi trouve son acmé dans des thèses qui mettent en péril nos démocraties, notamment qui tentent de nous convaincre que la valeur de l'universel se trouve au fondement de toutes les dérives et de tous les crimes associés à l'Occident. Alors que la philosophie, en tant qu'elle repose sur la pensée, a pu faire l'objet de dénigrements de la part de la conscience narcissique, étonnamment, aujourd'hui, c'est la philosophie elle-même qui cultive, sur son propre terrain, le rejet haineux du « sujet ». Un tel retournement est révélateur de l'ampleur de ce qu'il convient d'appeler un état de « catastrophe » de notre civilisation. Comment comprendre un tel phénomène ? Un lien très fort, quoique souterrain, existe entre la haine de la pensée et l'antisémitisme, point que révèle précisément l'entrée fracassante de ce dernier au coeur même de la philosophie. C'est ainsi que si l'analyse de la haine de la pensée conduit à une plus grande compréhension du phénomène persistant de l'antisémitisme, inversement, l'analyse de l'antisémitisme aide à mieux saisir le sens de la haine de la raison.
Nikol-Nicole Abécassis est professeure agrégée de philosophie et docteure en philosophie.
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