Editions de la Sorbonne - Septembre 2024
Les invalidités semblent chargées d'une part immuable et de fixité, où se mêlent médecine, assistance et monstruosité. Mais les possibilités ouvertes aux personnes invalides ont été considérablement transformées au début du XXe siècle, par le droit et le travail, à partir de la Première Guerre mondiale.
C'est alors qu’a été affirmée la compatibilité de l’invalidité et de l’exercice d’un travail, alors que, depuis la fin du Moyen Âge, l’invalidité se définissait par l’inaptitude au travail. La notion de handicap est née à partir de cette idée d’un emploi possible des personnes invalides, grâce à leur réadaptation, c’est-à-dire à leur rééducation physique et professionnelle.
Suivre cette histoire permet de comprendre comment, à partir de ce droit au travail, en tant que celui-ci va de pair avec un droit à une assistance inconditionnée, les personnes handicapées ont pu desserrer l’étau de la survie et de l’urgence dans lequel leurs existences avaient été jusque-là prises, en dehors des secours des familles et de la charité.
Les normes médico-sociales de réadaptation sont ainsi exemplaires non pas de la toute-puissance de certains systèmes et de certaines exigences biopolitiques, mais de la fragilité et des limites des normes, en concurrence et traversées de tensions internes.
Comprendre leur histoire, leurs valeurs directrices et leurs articulations permet de mieux comprendre ce qui se joue dans le droit du travail et dans les droits humains pour les personnes handicapées.
Sommaire
Introduction
De l'universalité à la systématicité du handicap
Systématicité normative, usages des normes et historicité
Perspectives sur les normes médico-sociales, les réadaptations et les handicaps.
Faible et monstrueux, pathologique et thérapeutique, intervention et indifférence
Cadre et plan de l'étude
Première partie - Une mise en relation précaire de la médecine et du travail durant la Première Guerre mondiale : les « réadaptations »
Introduction de la première partie
Chapitre 1. La Première Guerre mondiale comme déchirure historique
Un nouveau rapport à l’incapacité de travail
Charité aux pauvres, assistance aux impotents : des structures de longue durée
1914, l’apparition des « infirmes rééducables »
D’une économie de guerre momentanée à ses effets durables et multiples
Remettre au travail, des secours et des mobilisations temporaires
Persistances juridiques, 1919-2005
Les décalages de la médecine
Chapitre 2. La médecine pour le travail : une alliance malaisée
Emballements et hésitations des médecins
La surprise du travail spontané et le brouillage des repères sanitaires
Des désaccords multiples sur les moments et durées des interventions médicales
Le travail rémunérateur comme moteur des rééducations
Le faible développement des rééducations médicales
Capacités de travail et développement différencié des techniques médicales.
Le travail, une possibilité recherchée par les blessés
Vivre pour travailler, travailler pour vivre : morale, économie et autonomie
Les problèmes d’une médecine des capacités en 1914-1918
Thérapie et ergothérapie, corps et actes : une séparation fragile
Médical ou médico-social ? Buts sociaux du soin et connaissances médicales
Fonction, organisme, nature : pourquoi rééduquer à la marche ?
Les précarités assumées de la médecine de rééducation
Une médecine de l’incurable
Une thérapie des actes
Un soin par l’éducation
Les incertitudes des corps volontaires
Les nouvelles définitions médico-sociales de la santé : tendances et modèles
Le médico-social, une matrice commune à toutes les médecines
Les directions antagonistes du médical et du médico-social
Santé, fonctionnel et professionnel, l’unité par le maximum
De la forme du travail à celle de l’incurable : la maladie comme invalidité totale
L’agir comme norme : de la reconnaissance du singulier à son effacement
La convergence de vues entre les rééducations motrices et professionnelles
Recréation libre de soi et retour au travail : indétermination des moyens et des fins
Travailler au maximum avec ce qui reste, quel maximum ?
Chapitre 3. Des interventions médico-professionnelles à leurs destinées médico-sociales
Prudence et force : violence et contre-violence dans les rééducations
Politique, pragmatisme et stratégies discursives des rééducateurs
Rendre puissant : défendre et sacrifier
Une désorientation générale : le mutilé comme ivrogne et enfant
Contrôler des hommes libres
L’enseignement en école, surveiller et organiser
De l’autorité informelle à l’imaginaire collectif
Intermittence des inadaptations, indéfini des adaptations, et procédés de réadaptation
Bricolage et spontanéité de l’imagination, ambiances et émulation
Dynamiques des réactions et réadaptations : la circulation des gueules cassées
L’instauration d’une normalisation sans volonté de contrôle
Médecine, social et médico-social dans les réadaptations
Deuxième partie - De l’entre-deux-guerres aux années 1950 : les conditions multiples d’une nouvelle situation de l’invalidité
Introduction de la deuxième partie
Chapitre 1. Les mutilés après 1918 : le droit et la possibilité d’une nouvelle expérience de l’invalidité
Les blocages systématiques du retour à l’emploi
Un ensemble de refus et de résistances multiples
Liberté et libéralisme : incitation, adaptation, inadaptation
Le droit à réparation de 1919 : loi d’exception et transformations des logiques sociales
Nouvelles lois, nouveaux barèmes : reprises, combinaisons, modifications juridiques
De l’incohérence logique des dispositifs sociaux aux effets pérennes d’une conjoncture
Les incidences des lois : nouveaux possibles, nouveaux discours, nouvelle expérience
L’après-guerre : les difficultés et la position de retrait
des anciens combattants mutilés
Droit au travail et droit à pension : l’ouverture d’un choix et ses conséquences sociopolitiques
Critique des barèmes d’invalidité, énoncés d’une nouvelle quotidienneté des invalidités
Chapitre 2. La tuberculose et la dynamique médico-sociale des réadaptations
La remise au travail des masses comme motif majeur des réadaptations des tuberculeux
Technique de soin, travail et économie : du repos au travail
La cure de travail, justifications et explications d’une technique extrême...
L’activité comme santé : la maladie comme facteur de brouillage supplémentaire
La maladie comme légitimation d’une médicalisation intégrale
Chronicité et contagiosité
L’activité comme frontière réelle entre le mortifère et le soignant
La justification du contrôle des mœurs
Les limites des interventions médicales
Une limite interne : lire l’activité à partir des corps
De l’économie de la santé comme expression des soins au tri médico-social des malades
L’exigence de soin et ses manques : les limites externes des questions médicales
Gouverner les tuberculeux : malades et vivants
La relation comme condition d’acceptation de normes paradoxales
Inciter et contraindre
Chapitre 3. La poliomyélite et la médicalisation des réadaptations
Des soins des poliomyélitiques peu connus, transmis et pratiqués
Technicisation et légitimation des médecines de rééducation : formes et causes
L’organicité des troubles fonctionnels dans la poliomyélite
L’enfance, modélisations médicales et médico-sociales
Des traitements longs (1) : médecine et manières d’être
Des traitements longs (2) : intervenir sur le social au nom des normes médicales
Chapitre 4. Les handicapés civils : éviter la misère, faire autre chose que l’éviter
L’absence quasi complète de dispositifs d’assistance ou de réadaptation
Des mutilés de guerre aux handicapés civils
Conditions de vie et formes d’existence : communauté et personnes
Constantes, pérennisations et limites des changements
dans l’entre-deux-guerres : formes et facteurs
Troisième partie - 1945-2020 : poursuite, transformation ou disparition des réadaptations ?
Introduction de la troisième partie
Chapitre 1. Les modifications réelles mais limitées des dispositifs
Agir sur les inadaptés, dissolution d’un projet ou diffusion des bases du handicap ?
La Sécurité sociale, le cercle politique entre travail et santé, et les freins aux réadaptations
Médecine, médico-social, biopsychosocial : les problèmes des modèles
L’évolution des classifications de la CIH de 1980 à la CIF de 2001
Activités, corps, société : le maintien des difficultés
Droit et handicap : l’affirmation constante des mêmes valeurs
1975-2020, les handicaps sans réadaptation ?
Chapitre 2. Usages des normes et handicaps
Représentations, normes, droit : monstres et handicapés
Paradoxes des évolutions contemporaines des handicaps et usages du droit
Formes de vie et formes d’existence : comment modifier les conditions de l’agir ?
Corrélation et appartenance des évolutions contemporaines aux réadaptations
Réadaptations, politisation des formes activité et handicaps
Particulier et universel, valeurs de la différenciation et possibilité de l’indifférenciation
Conclusion
acheter ce livre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire