Une synthèse de l'apport de Patrick Tort au darwinisme et aux sciences sociales, accompagnée d'un entretien inédit.
Patrick Tort est certainement l'homme au monde qui a le plus écrit sur Darwin.
En restituant en 1983 la logique de l'œuvre anthropologique du naturaliste anglais, étrangement ignorée ou mésinterprétée jusqu'alors, il met en évidence le ressort profond de ce qu'il va nommer la " seconde révolution darwinienne " : en sélectionnant le développement des instincts sociaux et ses conséquences relationnelles et rationnelles au sein des sociétés humaines, la sélection naturelle sélectionne la civilisation, qui s'oppose à la sélection naturelle. C'est cet " effet réversif de l'évolution ", inscrit dans LaFiliation de l'Homme de 1871, qui donne la clé de ce que Patrick Tort défendra ensuite sous l'enseigne d'une " refondation des études darwiniennes " que l'on peut estimer aujourd'hui largement accomplie.
Commencé sous sa direction en 1986, alors que Patrick Tort n'a que 34 ans, le Dictionnaire du darwinisme et de l'évolution, unique encyclopédie du darwinisme mondial à ce jour, paraît dix ans plus tard aux Presses Universitaires de France, et sert de socle à la création du futur Institut Charles-Darwin international. Il y rédige lui-même plus de 2 400 articles.
À l'aube du XXIe siècle, Patrick Tort engage aux éditions Slatkine et Champion le vaste chantier de la traduction nouvelle et de l'édition savante des Œuvres complètes de Charles Darwin, où chaque volume paru comporte une préface érudite qui a parfois la dimension d'un essai ou d'un livre.
Théoricien de la connaissance, épistémologue, historien de la philosophie et des sciences sociales, historien des sciences biologiques et linguiste, Patrick Tort est également un méthodologiste en matière d'histoire des idées : sa longue élaboration d'une discipline d'étude intitulée " Analyse des complexes discursifs " lui a permis d'éclairer notamment, sur des bases en partie darwiniennes, les racines biologiques du symbolique, renouvelant ainsi le secteur des études scientifiques sur le rapport nature/société.
Ce sont ces différents aspects qu'analysent les auteurs de ce livre, eux-mêmes soucieux d'apporter aux sciences sociales un lien mieux problématisé avec l'évolution : Lilian Truchon étudie les rapports entre darwinisme et marxisme ; Marc Joly revient sur la révolution anthropologique contenue dans La Filiation de l'Homme et ses liens avec la " révolution sociologique " ; Wonja Ebobisse s'attaque au concept d' hypertélie comme instrument pour la critique du libéralisme économique, et Georges Guille-Escuret montre la parenté méthodologique du marxisme et de l'écologie scientifique issue de Darwin. Un long entretien conduit par W. Ebobisse et Philippe Kernaleguen permet enfin à Patrick Tort d'illustrer sur plusieurs plans la démarche d'élucidation qui est celle de son " Analyse des complexes discursifs ".
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