Nous avions pris le visage comme la plus naturelle des évidences. Nous avions cru pouvoir y lire, comme sur un écran, nos sentiments et nos scrupules, nos colères et nos joies. Nous l'avons décoré, maquillé, dessiné, comme s'il était la carte de visite authentique de notre personnalité, de notre être. Pourtant, rien n'était plus faux. Plutôt qu'une fenêtre ouverte sur notre intériorité, le visage a toujours été un artéfact technique une construction devant autant à l'artificialité qu'au patrimoine que nous a confié la génétique. Des origines de l'humanité à l'âge du triomphe du selfie, c'est l'histoire de la fabrique technique, économique, politique, juridique et artistique des visages que décrit Marion Zilio dans Faceworld. Une histoire qui trouve son dénouement dans une interpellation radicalement inattendue de ce qui est trop souvent dénoncé comme notre narcissisme contemporain. En fait de narcissisme, il se pourrait bien que le selfie soit ce qui nous reconnecte aux sources les plus profondes de la manufacture humaine des visages, une reconnexion qui serait aussi une chance de nous réconcilier avec ce qui, en nous, tient du non-humain.
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