Kimé - Mai 2021
A l’occasion du centenaire Proust, la maladie personnelle de Marcel Proust est venue occuper la scène biographique sans toujours apercevoir toute la dimension idiosyncrasique de l’œuvre. Car l’asthme dont souffre Marcel Proust comme une maladie chronique est redoublé ici par celui du Narrateur : son corps souffre autant de la maladie d’amour que de la maladie physique, à moins que la première n’ait déclenchée la seconde. Pour cela le thème de la maladie est essentiel car il vient manifester le temps dans le corps ; il met aussi en péril la permanence du moi au point d’apercevoir qu’il n’était constitué que du temps passé, incorporé. Notre étude nous conduira ainsi d’une critique de la médecine comme science du corps objet à l’avènement du thème de la guérison. En effet alors que la médecine s’évertue à guérir les maladies du corps, Proust révèle que le corps humain peut être malade d’amour. Proust dépasse là le simple statut de la métaphore, que nous avons mis au jour à propos de la comparaison avec le modèle médical. Il pratique la collusion entre amour et maladie au point de définir l’amour comme le type de la maladie humaine. Fomentée par l’angoisse de perdre l’aimée, alimentée par un doute permanent sur l’Autre dont aucune garantie, pas même la parole, ne certifie l’authenticité de son discours, la jalousie prend la forme d’une pathologie : fièvre, nervosité, maux de ventre, fébrilité… L’écriture de A la recherche du temps perdu comme métamorphose de toute maladie, facilite cette conversion du vécu intime de l’amour en vécu phénoménologique dégageant l’essence de l’amour. Forme d’exorcisme, l’écriture permet à tout un chacun de se reconnaître. Le narrateur nous ressemble puisque son récit nous touche en atteignant la condition commune, celle de la souffrance.
Bernard Andrieu, philosophe, Professeur à l’Université de Paris, Directeur de l’URP 3625 I3SP, développe des travaux autour de la relation entre corps vivant et corps vécu. A travers une écologie corporelle l’émersiologie interroge comment le vivant, de l’auto-santé aux pratiques corporelles, éveille la conscience à une nouvelle cartographie du sensible.
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