« Peut-il y avoir un récit pur ? » À cette question, posée par Maurice Blanchot en 1954, celui-ci avait déjà cherché à répondre en écrivant, entre 1948 et 1953, un « triptyque » de récits : L'Arrêt de mort (1948), Au moment voulu (1951), Celui qui ne m'accompagnait pas (1953). De l'un à l'autre, la narration s'est vue progressivement allégée de « l'épaisseur romanesque » à l'intérieur de laquelle le récit s'est enfoui à l'époque moderne, et que les propres romans de Blanchot avaient alourdie parfois à outrance.
Toutefois, aller du roman au récit pour Blanchot, c'était moins épurer l'acte narratif que dégager pleinement ce qui rend cet acte imperfectible et de ce fait, interminable. Si narrer donne lieu à un mouvement que le roman ne maîtrisait pas et ne pouvait que subir, ce mouvement représente pour le récit un seul et unique événement, qu'il a pour tâche de rendre présent en le racontant. Tâche vouée à l'échec, mais qui se renouvelle sans cesse, et à laquelle le « pas de récit, plus jamais », proféré au tournant même qui rendait au récit ses pleins droits, ne met pas fin, la proclamant au contraire dans toute sa pérennité.
À ce genre impossible nous avons demandé à plusieurs auteurs déjà connus pour leurs travaux autour de la fiction de Blanchot de proposer une approche. Trois parmi eux ont été attirés par ce texte-charnière que demeure « Un récit ? » devenu La Folie du jour. Les autres ont élargi le champ de la recherche, l'ouvrant à d'autres textes et aux questions que le récit soulève, et allant parfois jusqu'à l'au-delà du récit qu'occupent des textes tels que Le Dernier homme (1957) et L'attente l'oubli (1962), fictions où leur auteur s'apprête à franchir le pas entre narration et pensée. Et cependant, rappel que le récit ne quitte jamais le domaine de l'image, c'est par la fiction qu'un de ces auteurs a décidé de se mesurer à l'exigence inépuisable du genre.
Ce numéro des Cahiers Maurice Blanchot comporte aussi une série d'études consacrées à la photographie et aux relations entre Blanchot et Jean-Luc Nancy d'un côté, Philippe Jaccottet de l'autre, ainsi qu'une nouvelle livraison de « L'Archive introuvable ». Il s'ouvre sur un poème du regretté Michel Butor, compagnon de route de Maurice Blanchot à deux moments décisifs de notre histoire : le projet d'une Revue internationale, Mai 68.
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