"Ce numéro s’ouvre sur la présentation et la traduction par Vincent Gérard d’un texte d’Oskar Becker sur Leibniz extrait de Mathematische Existenz (1927). Becker est un disciple de Husserl, hélas connu pour son funeste enthousiasme envers le national-socialisme, qui a appliqué la méthode phénoménologique à la philosophie des mathématiques et de la physique. Il éclaire ici la philosophie leibnizienne des mathématiques à partir de la controverse des fondements. En concevant une mathématique symbolique qui dépasse les limites de l’intuition, Leibniz apparaît comme précurseur du formalisme de Hilbert et de la mathématique symbolique de Weyl ; mais tandis que les mathématiciens modernes distinguent mathématique formelle et méta-mathématique contentuelle, Leibniz estime qu’il existe une suite continue conduisant du monde transfini des idées en Dieu au monde indéfini de leur représentation claire et distincte en l’esprit humain – ce sur quoi porte la critique phénoménologique de l’optimisme leibnizien.Dans « Sensations et sentiments. Sur la théorie de l’affectivité chez Theodor Lipps », Maria Gyemant a pour fin d’esquisser les lignes principales de la théorie de l’affectivité de Th. Lipps, qui fut l’un des défenseurs du concept d’inconscient et figure en bonne place dans l’histoire de la psychanalyse. Il élabore une dynamique psychique centrée sur la considération des forces psychiques affectives et la distinction nécessaire entre sentiments (Gefühle), sensations (Empfindungen) et mouvements affectifs (Gemütsbewegungen) comme autant de modes de subjectivité ou de relation au moi, et interroge le concept d’Einfühlung, qui se présente à tous les niveaux de la vie psychique.
Dans « “De la phénoménologie sans le savoir”. Un usage de la philosophie en musique expérimentale », Pauline Nadrigny considère la recherche musicale de Pierre Schaeffer, qui fait un usage original des thèses et méthodes phénoménologiques : mis au service d’une théorie de l'objet sonore qui souhaite viser le son pour lui-même, les concepts d’objet intentionnel, de variationet de réduction trouvent une application qui leur confère une épaisseur et en éclairent les limites. Même si le contexte pratique dont part Schaeffer (création radiophonique et électroacoustique) recouvre ces gestes phénoménologiques, un tel usage non orthodoxe de la philosophie dans le champ de la réflexion artistique peut, par un effet d’écho, l’inviter à mieux se comprendre.
Les efforts pour définir la vie se sont intensifiés ces dernières années dans les sciences biologiques. Partant d’une interrogation sur les motivations qui président à ces efforts, Sébastien Dutreuil montre, dans « La vie en biologie : enjeux et problèmes d’une définition, usages du terme », que l’on doit distinguer deux projets qui s’exposent à des difficultés philosophiques différentes : ceux qui présentent l’obtention d’une définition de la vie comme un moyen nécessaire pour l’enquête scientifique, et ceux qui pensent celle-ci comme une fin. Puis il analyse les usages faits du terme vie : si la plupart l’ont considéré comme un terme de classe dont les organismes seraient des instances, il existe en pratique un second usage de ce terme, qui sert à désigner un individu dont les organismes sont des parties." D.P
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