Comment la notion aristotélicienne de puissance s’est-elle constituée? Comment Aristote peut-il désigner du même nom de dynamis à la fois le principe du changement et l’être en puissance en tant qu’il est distingué de l’être en acte? L’histoire de la dynamis correspond-elle à l’effacement d’un sens primitivement intensif, qui serait celui de la force, au profit du sens aristotélicien de potentialité? Plutôt que d’aborder ces questions dans les limites d’une lecture interne du Livre Thèta de la Métaphysique sur la puissance et l’acte, ou même du corpus aristotélicien, la présente recherche plonge d’abord la notion de puissance dans son histoire pré-aristotélicienne, philosophique et non-philosophique. Si les termes d’energeia et d’entelekheia, par lesquels Aristote désigne ce qui est en acte, sont des néologismes qui possèdent la précision du vocabulaire technique, le mot dynamis appartient au grec courant et comporte une polysémie qui complique la compréhension de son usage. Ce livre veut articuler les sens philosophiques de cette notion chez Aristote à partir de son histoire depuis Homère et Hésiode, à travers Démocrite, Xénophon ou encore le corpus hippocratique. Mais l’étude des principaux textes (poétiques, politiques, médicaux, mathématiques, philosophiques) est conduite selon un fil conducteur précis, dicté par l’emploi dominant de ce terme dans la clause restrictive kata dynamin (« autant que je le peux »). Les significations et l’histoire de la dynamis sont réévaluées à partir de ce nouveau point de départ. L’héritage platonicien est aussi pris en compte pour dégager finalement le sens de la critique aristotélicienne de la puissance, qui met en lumière son indétermination axiologique et ontologique, sans renoncer aux sens de capacité et de force. Nous ne cherchons pas à proposer une étude lexicographique, mais à situer la pensée aristotélicienne de la puissance et de l’acte dans une histoire conceptuelle, en espérant qu’elle gagnera ainsi en cohérence et en clarté.
Ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé de philosophie, David Lefebvre est professeur à l’Université Clermont-Auvergne, membre du centre « Philosophies et rationalités » et du centre « Léon-Robin ».
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