N’être pas reconnu dans ses droits, faire l’objet d’un déni de justice, être victime d’une injustice, demander réparation pour un tort subi : y a-t-il une seule personne, depuis que le monde existe, qui n’ait pas connu, directement ou indirectement, ce genre d’épreuve ? Or ces épreuves, si inévitables soient-elles, n’ont-elles pas parfois pour conséquence de faire perdre la tête ? N’y a-t-il pas des circonstances où réclamer justice fait basculer les hommes dans la violence, voire dans la déraison ou la folie ? Cette folie est-elle dictée par le besoin de se venger ? Ou ne tient-elle pas plutôt au désir de voir le droit existant s’appliquer sans réserve ni délai ?
Il arrive en tout cas qu’au nom même de cette justice dont on ne laisse pas d’exiger le respect, l’on se mette à œuvrer contre elle, à franchir les limites de la loi, à se rendre coupable d’un crime. Immense est alors le paradoxe qui veut que l’on s’aliène le droit dont on a la chance de jouir déjà et que l’on révère pour la protection qu’il assure. Un paradoxe qui apparaît plus souvent qu’on ne croit. Et qui commande aussi que l’on se pose au moins cette question : la folie du réclamer-justice, quand elle a lieu, est-elle due au fait que cette réclamation s’élève alors même que l’idée que l’on se fait généralement de ce qui est juste, de ce qui devrait être juste, n’est jamais tout à fait claire ? Ou ne survient-elle pas plutôt parce que l’exigence de justice qui gît au fond de nous est, par sa nature même, infinie ?
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