Le Bord de l'eau - Janvier 2025
La célèbre phrase prononcée par Heidegger lors du début d’un cours sur Aristote (« Nous allons commencer par la vie d’Aristote : il naquit, travailla et mourut. Passons maintenant à ce qui importe, sa pensée ») résume assez bien la position des philosophes sur la question des rapports entre la vie et la pensée. Quant aux Confessions de Rousseau, comme aux autobiographies de Sartre et Beauvoir, on les cantonne au genre littéraire, qu’on distingue fermement du versant philosophique de leurs œuvres.
De leur côté, sociologues et historiens s’aventurent volontiers sur le terrain de la réflexivité. Est-ce en raison de l’abstraction et de la conceptualité qui est la sienne que la philosophie n’est pas portée sur ce genre de réflexion et d’écriture ? Les sciences sociales, en vertu du matériau empirique sur lequel elles se fondent, auraient-elles plus de facilité à revenir sur le terrain de la vie ?
Il convient de poser de manière radicale le problème des rapports entre une œuvre et son auteur : nos objets d’étude n’ont-ils pas toujours un lien avec nos histoires de vie ? Dès lors, que fait-on de ce lien ? Doit-on le traiter comme un objet embarrassant, quitte à le refouler ? Ou essaie-t-on de l’assumer, en exerçant un acte de réflexivité qui nous mette véritablement aux prises avec ce que nous sommes ?
Afin de traiter ces questions, cet ouvrage collectif les contributions de Blaise Bachofen, Ludivine Bantigny, Manuel Cervera-Marzal, Adélaïde Fins, Isabelle Garo, Ivan Jablonka, Martine Leibovici, Yann Moulier Boutang, Claire Pagès, Irène Pereira, Nicolas Poirier et Jérôme Segal.
Manuel Cervera-Marzal est philosophe et sociologue, chercheur qualifié FNRS à l’Université de Liège. Ses recherches actuelles portent sur la démocratie, les contestations sociales et les partis politiques. Il s’intéresse également aux liens entre littérature et sciences sociales. Il a publié une dizaine d’ouvrages, dont trois aux éditions du Bord de l’eau, où il dirige la collection L’atelier du chercheur.
Nicolas Poirier est philosophe, docteur en Science politique et habilité à diriger les recherches en Philosophie contemporaine. Il a écrit plusieurs ouvrages sur Castoriadis, Lefort et Canetti, ainsi qu’un livre sur le lien entre exil et création dans le cadre de la littérature autobiographique moderne et un essai autobiographique.