Que peut, au juste, la peinture ?
La question de savoir si l’utopie dont ce livre formule les prolégomènes est plausible ou non, ne se pose pas : bien plutôt s’agit-il d’exposer les articulations d’une philosophie qui défend l’idée d’une époque improbable où la peinture eût fait, ou bien ferait, notre salut. Aussi ce livre esquisse un mythe ouvert pour un recommencement de l’histoire.
Un « mythe » : un récit qui fonde une époque et décide de son sens. Il débute par une genèse, puis se développe de mythèmes en mythèmes. Lesquels racontent, successivement, avec le don de « La Charité romaine » l’invention picturale de la subjectivité ; avec le débat entre Baudelaire et Manet le surmontement de la représentation sacrificielle ; puis, avec l’art compassionné d’Irène soignant Sébastien, la fusion d’éros et d’agapè. Ensuite, adossé à ces préalables, le mythe recueille la puissance de recommencement de la peinture par-delà les dévastations de l’époque de la technique : en particulier, dans son ἐποχή chez Bram van Velde réduisant le paysage à sa vie antérieure. Enfin, il reconnaît dans la gaieté aussi originaire que l’effroi la disposition affective intime à cette puissance, et il raconte sur la scène de l’utopie le très simple destin d’une artiste qui l’incarne.
Ce sont ainsi une quarantaine d’œuvres occidentales, de Holbein à Soutine, de Zurabaran à Morandi, de Frans Hals à Hopper, qui encouragent ici l’association, presque l’identification de la peinture à l’espoir.
Jérôme Thélot, ancien élève d’Yves Bonnefoy au Collège de France, disciple aussi de René Girard et de Michel Henry, est essayiste et traducteur, et professeur de littérature française à l’Université de Lyon. Ses écrits portent sur la poésie romantique et moderne, sur la philosophie de l’affectivité, et sur les conditions de l’image. Il développe auprès des auteurs qu’il interroge, en particulier Baudelaire, Rousseau, Dostoïevski, Sophocle, une poétique générale qui remonte à la fondation de la parole et de la représentation dans la violence originelle. Ses travaux sur la photographie ont d’abord décrit les conséquences de l’invention de celle-ci sur la littérature (Les inventions littéraires de la photographie, PUF, 2003), puis les caractères propres de sa phénoménologie (Critique de la raison photographique, Les Belles Lettres / Encre marine, 2009). Ses « Notes sur le poétique » (Un caillou dans un creux, Manucius, 2016) explicitent les attendus de sa recherche.
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