Vrin - Mars 2025
Acteur de la Révolution, Destutt de Tracy attribue, comme tous les Thermidoriens, les errements de celle-ci à l’indigence des sciences morales et politiques. Il s’est ainsi voulu le philosophe de l’Ère française, cette période ouverte en 1792 par l’instauration de la République et caractérisée, dit-il, par « un grand fonds de connaissances acquises, une excellente méthode et une liberté entière ». La réunion inédite de ces trois éléments lui paraît nécessiter de reprendre l’édifice de nos connaissances à sa base, en commençant par l’examen de nos facultés intellectuelles. S’il inscrit clairement sa pensée dans la lignée de Condillac, il ne saurait toutefois se contenter de répéter celui-ci : outre le fait que l’abbé s’est à ses yeux souvent trompé, il n’a pu prendre en compte ni les découvertes scientifiques de la fin du siècle, notamment celles de la chimie qui témoignent de l’excellence de la méthode analytique, ni les réflexions nouvelles centrées autour de la notion de représentation politique. À partir de l’expérience originaire du « Je sens, je pense, j’existe », Destutt de Tracy procède à l’analyse des sensations et des idées ou Idéologie. Sur cette base, il peut édifier une grammaire et une logique qui doivent conduire à la vérité, puis une économie, une morale, une science du gouvernement et une science de l’éducation qui doivent permettre de « trouver tous les moyens de bonheur dont [les hommes] sont susceptibles ».
Ancien directeur de la bibliothèque de la Sorbonne, Claude Jolly a édité les Œuvres complètes de Destutt de Tracy.
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