Les analyses fondées sur l’environnement, qui font du terrain ou de la température des facteurs explicatifs de la diversité humaine, dominent les discours anthropologiques de l’Ancien Régime. Richard Spavin montre que ces théories climatiques révèlent des démarches contestataires à lire à côté des théories de la souveraineté, du constitutionnalisme et du républicanisme.
Richard Spavin fonde son analyse sur trois auteurs qui ont une vision relativiste du déterminisme climatique. Si, pour Bodin, Montesquieu et Rousseau, les théories des climats expliquent les causes géographiques derrière la diversité des sociétés, elles recèlent également une dimension métaphorique. Pour eux, les climats mettent en récit des visions du pouvoir: les limites du politique sont comparées aux obstacles géographiques; la finalité politique ne se trouve plus dans le corps du monarque mais dans le sol, auquel le monarque et son peuple appartiennent ensemble. L’auteur invite notamment à relire à nouveaux frais les dérangeants livres de L’Esprit des lois qui semblent justifier l’esclavage dans certaines régions éloignées du contexte européen.
Les théories des climats révèlent ainsi une face cachée de la philosophie politique de l’Ancien Régime. Richard Spavin en réévalue le socle philosophique et en dévoile l’ironie qui demeurait jusque-là inaperçue. Il montre que les climats sont un outil rhétorique efficace pour penser le nouvel ordre moral de la modernité.
Sommaire
Introduction. Les climats du pouvoir: métaphores et allégories du politique
i. Du ‘climat’ à l’anachorisme
ii. L’idiome politique du climat: entre science et littérature
iii. La ‘théorie des climats’ et le relativisme
iv. Bodin: l’espace-temps climatique
v. Montesquieu: la tension interclimatique
vi. Rousseau: l’inversion du paradigme nord-sud
1. Panorama des (in)déterminismes climatiques
i. La médecine ou le ‘bon usage’ de la géographie
ii. L’histoire scientifique de la théorie des climats
iii. Le savoir anthropologique
iv. L’histoire des climats ou les erreurs du passé
v. Le tournant écologique
vi. De la détermination à l’indétermination
vii. Le social qui corrige le politique
2. Les identités climatiques de Jean Bodin
i. Jean Bodin et la religion
ii. La notion d’histoire: le cas du Methodus (1566)
iii. Bodin et la géographie humaniste: les créations philosophiques de l’espace
iv. Le rôle de la géographie dans la nature
v. Les identités climatiques du Methodus: de la diversité à la relationnalité
vi. Le tempéré et l’inégalité climatique: de la relationnalité à la perfectibilité
vii. Les climats de la République: l’ambiguïté géographique de la France
viii. Climats et théologie naturelle: le Theatrum
ix. La théorie des climats comme blasphème?
3. Le commandement du froid: l’immatérialité des climats dans L’Esprit des lois
i. Le relativisme des climats: un premier niveau de lecture
ii. La théorie des climats et la cause morale
iii. Société et politique: qui commande à qui?
iv. L’‘ésotérisme’ de L’Esprit des lois
v. La froideur et la représentation symbolique du pouvoir
vi. D’un pouvoir naturellement contraint
vii. La souveraineté dans la distribution des pouvoirs
viii. Les climats ou la translucidité constitutionnelle
ix. Les climats, l’abnégation et la raison
x. La société chaude: la fabrique des passions populaires
xi. Eclairer l’obéissance et les passions populaires
4. Le chaud versus le froid dans l’esthétique politique de Rousseau
i. La théorie des climats dans la Querelle des Bouffons
ii. Rousseau versus Rameau
iii. Du Discours à l’Essai: l’antagonisme ou le pessimisme?
iv. Rousseau et le déterminisme climatique: l’ésotérisme du discours politique
v. De la musique à la langue: vers la délimitation du social
vi. La ‘douceur’: l’origine de l’homme sauvage
vii. Le droit naturel moderne
viii. Le temps historique versus le temps narratif: le cas des transitions
ix. La civilisation des passions: la ‘période’ du tempéré au chaud
x. Le problème du froid et la perfectibilité physique
Conclusion
Bibliographie
Index
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