vendredi 5 novembre 2021

Stanley Cavell : Le Déni de savoir dans sept pièces de Shakespeare

 UNES Idées - Novembre 2021


Le théâtre élisabéthain est contemporain de l’émergence du scepticisme philosophique au fondement de la pensée et de la science européennes modernes. Dans cette série d’études classiques sur le drame shakespearien, Stanley Cavell montre comment la tragédie se nourrit de questionnements fondamentaux sur la nature du savoir, se faisant ainsi l’écho de la crise de la connaissance qui a traversé son temps. Les grands personnages shakespeariens incarnent chacun avec force une ou plusieurs options du scepticisme. Que leur doute porte d’abord sur l’amour filial (Le Roi Lear), la fidélité conjugale (Othello, Le Conte d’hiver), la légitimité du meurtre (Macbeth) ou de la vengeance (Hamlet), la nature du pouvoir et des rapports sociaux (Coriolan), le destin des empires et du monde (Antoine et Cléopâtre), il menace de s’étendre à la réalité tout entière et de les précipiter dans la folie. Lui-même héritier de la tradition sceptique, qui s’incarne encore dans les Recherches philosophiques du second Wittgenstein où elle investit la question du langage, Cavell n’a cessé de parcourir la généalogie de ce courant de pensée pour en restituer la vérité profonde : le déni de savoir est un masque qui cache l’incapacité à reconnaître l’autre. C’est en réhabilitant le langage ordinaire, auquel la pensée a souhaité tourner le dos, que la relation au monde peut être rétablie et la tragédie conjurée. Cet horizon constitue l’originalité profonde du dialogue philosophique que Cavell entretient ici avec Shakespeare.

Stanley Cavell (1926-2018) est une des grandes figures de la philosophie américaine contemporaine. Après avoir étudié la composition musicale à Berkeley, il s’oriente vers la philosophie et découvre la pensée de J.L. Austin. Professeur à l’Université Harvard à partir de 1963, il développe une philosophie du langage ordinaire inspirée par les travaux tardifs de Ludwig Wittgenstein, qui est saluée dès 1969 avec la parution de Dire et vouloir dire. Centrée sur la question du scepticisme et du perfectionnisme moral, sa réflexion prend par excellence la forme d’un dialogue avec le cinéma (La Projection du monde, 1971), la littérature et la tradition transcendantale américaine (H.D. Thoreau, R.W. Emerson). Son œuvre, forte d’une vingtaine d’ouvrages dont le classique Les Voix de la raison (1979), est désormais largement traduite et reconnue en France.

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